Le Việt Nam des hautes densités démographiques face aux défis du vieillissement

En 2021, le Việt Nam compte 97,5 millions d’individus et se caractérise par d’importantes inégalités entre les groupes ethniques et les régions, ainsi qu’un vieillissement général de la population qui devrait faire basculer le pays d’une « société vieillissante » à une « société âgée » d’ici à 2035. La transition démographique, entamée au milieu des années 1950 est, quant à elle, considérée comme en passe d’être achevée puisque les taux de natalité et de mortalité, autrefois élevés, sont dorénavant faibles. D’après les estimations du GSO et de l’ONU, le Việt Nam comptera, en 2049, entre 104 464 millions et 112 123 millions d’habitants. 

À la faveur de progrès significatifs dans les domaines socio-économiques (par exemple, le revenu mensuel moyen par habitant est passé de 1 387 100 đồngs en 2010 – environ 55 euros – à  3 873 000 en 2018 – environ 152 euros) de la santé, de l’hygiène, de l’instruction (taux d’alphabétisation en 2018 : 94,8 %)^[1] et du planning familial (développement de la contraception, politique de limitation des naissances et limitation de l’âge du mariage à 25 ans à partir de 1960 au Nord-Việt Nam et, de manière encore plus coercitives, dans les années 1980), la transition démographique vietnamienne est aujourd’hui sur le point d’être achevée, tandis que le renouvellement de la population apparaît comme remis en cause par le faible taux de natalité. Ainsi, l’évolution de l’ensemble du « paysage démographique » en lien avec les nouvelles modalités du développement économique, social et spatial du pays, mettent en exergue des phénomènes nouveaux qui « constituent l’expression de processus amorcés longtemps avant qu’ils n’acquièrent une visibilité »^[2].

Par exemple, entre 1965 et 1995, l’indice synthétique de fécondité passa de 6,8 à 2,5 enfants par femme. En 2010, cet indice était de 2 enfants par femme avant de remonter à 2,10 en en 2015 pour finalement revenir, en 2018, à son niveau de 2010^[3]. La baisse de l’indice de fécondité, en partie imputable à la politique passée de limitation du nombre d’enfant par femme à un puis à deux, s’accompagne également d’une baisse du taux de mortalité stabilisé à 6,8 pour mille depuis 2010 et d’une hausse de l’espérance de vie passant, en moyenne, de 72,9 ans en 2010 à 73,5 ans en 2019^[4]. 

Conjugués les uns aux autres, ces variables participent de l’accentuation du phénomène de vieillissement de la population vietnamienne qui, selon l’ONU, devrait voir son âge médian passer de 28,5 en 2010 à 42,4 en 2050^[5]. Avec une modernisation économique inachevée, le Việt Nam n’est pas encore prêt à supporter les conséquences du vieillissement de sa population, notamment dans un contexte où la part de sa population active a cessé d’augmenter depuis 2013 (70,3 % en âge de travailler). À noter que l’essoufflement du « dividende démographique » est accentué par une productivité du travail qualifiée de trop faible par les autorités elles-mêmes qui, à ce propos, soulignent que la productivité de Singapour est 23 fois plus élevée que celle du Việt Nam. Il convient toutefois de rappeler que, selon la Banque Mondiale, le revenu mensuel moyen à Singapour était de 4340 euros en 2019… 

Enfin, un risque supplémentaire encouru par la population vietnamienne a trait au déséquilibre du rapport de masculinité à la naissance. En effet, celui-ci peut favoriser une hausse de l’âge au mariage, et inciter certains hommes à rechercher une épouse à l’étranger. Le rapport de masculinité (nombre d’hommes pour cent femmes), qui était de 105 en 1979, a atteint, en 2014, 113.

À ces différentes dynamiques démographiques, il faut également faire mention du creusement significatif des inégalités de toutes sortes, et notamment entre les différentes régions du pays qui ne bénéficient pas toutes de la même exposition aux retombées économiques de l’intégration du Việt Nam dans l’économie de marché globalisée. À ce titre, la carte du billet illustre les disparités démographiques entre provinces concernant le taux de croissance de la population en 2020. La population croît plus rapidement dans les régions reculées marquées par la pauvreté et un taux de fertilité élevé comme dans le Nord collinaire et montagneux (taux de fertilité : 2,48). Par ailleurs, les régions dynamisées par le développement urbain et industriel comme les provinces autour de Hồ Chí Minh-Ville, Hà Nội et Đà Nắng se caractérisent par un fort taux de croissance de leur population qui s’explique davantage par l’installation de migrants venus des campagnes. Dans ces aires métropolitaines au fort dynamisme démographique, le taux de fertilité est bas (1,50 autour de Hồ Chí Minh-Ville par exemple), tandis que l’espérance de vie est élevée (76,2 ans en moyenne autour de Hồ Chí Minh-Ville en 2018 contre 70,3 ans dans les Hauts Plateaux). 

Pour aller plus loin :

Becquet V., Guilmoto Z. C., 2018, « Le déséquilibre des sexes à la naissance au Vietnam : de la hausse rapide à la stabilisation », Population (édition française), INED – Institut national d’études démographiques, 73 (3), pp.543-570 

Cosio Zavala M. E., Loenzien de M., Luu Bich N., 2016, Mutations démographiques et sociales du Việt Nam contemporain, Presses Universitaires de Paris Ouest, 221 p. 

General Statistics Office (GSO), United Nations Population Fund (UNFPA), 2016, Vietnam Population Projection, 2014-2049, Vietnam News Agency Publishing House, Hanoi, 259 p. 

Gubry, P., 2000, Population et développement au Việt Nam, Karthala, 612 p.

Guilmoto C. Z., & Loenzien de M., 2015, “Emerging, transitory or residual? One-person households in Việt Nam”, Demographic Research, 32, 1147-117 

Nguyen Duc Nhuan, Vo Nhan Tri, Autret M., 1987, Le Việt Nam post-révolutionnaire. Population, économie, société, 1975-1985, Paris, L’Harmattan, 230 p.

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^[1] GSO, 2020

^[2] Loenzien de M., et al., 2016, Mutations démographiques et sociales du Việt Nam contemporain, Presses Universitaires de Paris Nanterre. 

^[3] GSO, 2020

^[4] General Statistics Office (GSO), 2019, Result of the Việt Nam Houselod Living Standards Survey 2018, Statistical Publishing House, 890 p.

^[5] Selon l’ONU, le vieillissement de la population correspond à la période au cours de laquelle les personnes âgées de plus de 65 ans passent de 7% de la population à 14%.

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