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Le changement climatique au Việt Nam

À l’échelle mondiale, le rapport de l’Organisation météorologique mondiale[1] fait état d’une accélération du réchauffement climatique entre 2010 et 2019 avec des températures jamais atteintes ces 140 dernières années. En 2019, la température globale était de 1,1°C supérieure à celle observée avant l’ère industrielle.

Au Việt Nam, les températures moyennes ont augmenté de 0,89° sur la période 1958-2018[2] avec une nette accélération sur la dernière décennie. Les températures extrêmes ont également augmenté dans toutes les régions, il en va de même pour les précipitations (+ 5,5 % entre 1981 et 2018, principalement en automne) malgré quelques contrastes régionaux (dans le Nord et dans la partie septentrionale des Hauts Plateaux, les précipitations ont baissé). À noter aussi que des précipitations anormalement élevées sont de plus en plus relevées dans toutes les régions, même pendant la saison sèche. 

Concernant l’élévation du niveau marin, le rapport du GIEC de 2019[3] estime à 0,16 m l’augmentation globale du niveau de la mer entre 1902 et 2015. Cette élévation n’est toutefois pas uniforme entre les régions du globe. Au Việt Nam aussi des différences existent entre les régions. Par exemple, le niveau marin a augmenté de 4,9 mm/an dans l’île de Phú Qúy (au large de la région de Hồ Chí Minh-Ville) contre seulement 1,8 mm/an à Baĩ Cháy (Nord-Est) et 5,8 mm/an à Bình Thuận. 

En termes de projection, certaines études prévoient une augmentation des températures de 1,0°C à 3,4°C d’ici 2080 à 2099[4]. Pour le MONRE (Ministère des ressources naturelles et de l’Environnement), les températures au Việt Nam pourraient augmenter de 1,5°C à 4,2°C d’ici la fin du siècle, tandis que les précipitations annuelles augmenteront de 10 à 40 % et les précipitations extrêmes de 20 à 40 %. L’augmentation des précipitations concernera avant tout les régions côtières du Nord-Est, tandis que le phénomène El Niño continuera de produire ses effets à l’échelle régionale, notamment dans le Centre où les précipitations ont tendance à augmenter, tandis qu’elles baissent dans le Nord et le Sud. À noter aussi que l’augmentation de l’amplitude entre les basses et hautes températures sera également significative et que les températures augmenteront plus vite au Nord qu’au Sud. Par ailleurs, la probabilité que le pays soit traversé par des vagues de chaleur augmenterait de 8 % à 40 % (selon les scénarii) d’ici 2080 à 2099[5]. Concernant les risques de sécheresses, la probabilité qu’un épisode de sécheresse[6] s’abatte sur le Việt Nam est de 4 % en 2019 mais pourrait passer à environ 10 % d’ici à 2100.

Dans ce contexte, les deltas et les côtes du pays présentent une forte exposition et vulnérabilité à l’augmentation du niveau de la mer, aux aléas climatiques, aux inondations fluviales et pluviales ainsi qu’aux submersions marines. Par ailleurs, face à l’incertitude qui règne encore quant au comportement des calottes glaciaires, on ne peut pas exclure totalement un scénario encore plus pessimiste de l’ordre de 2 m d’augmentation du niveau marin au Việt Nam d’ici la fin du XXIe siècle. 

Selon le Center for Research on the Epidemiology of Disasters (CRED)[7], le Việt Nam, entre 1900 et 2020, a connu au moins 110 épisodes cycloniques et environ 90 inondations majeures (tous types confondus). Comme le rapportent les documents officiels (rapports de cour et chroniques dynastiques) établis par les différentes dynasties depuis le XIIIe siècle, l’alternance d’épisodes de sécheresse, d’inondations et de typhons constitue le régime climatique « normal » du Việt Nam[8]. Ces différentes calamités étaient, dans la cosmologie confucéenne, interprétées comme des désordres dans le cosmos que le souverain, en tant que dépositaire du mandat céleste, devait corriger afin de garantir l’harmonie sur Terre. Pour cette raison, les évènements astronomiques, climatiques ou telluriques étaient consignés dans les Annales impériales au XVe siècle[9]. Ainsi, parmi les tempêtes, les épisodes de sécheresse, les typhons, les invasions d’insectes ou encore les séismes et les famines, est également fait mention de l’apparition de dragons distribuant la pluie qu’il convenait de solliciter, de séduire ou d’intimider. 

Pour aller plus loin :

Bangalore M., Smith A., Veldkamp T., 2016, Exposure to Floods. Climate Change and Poverty in Vietnam, Policy Research Working Paper 7765, The World Bank, https://documents1.worldbank.org/curated/en/928051469466398905/pdf/WPS7765.pdf

Chapman, Alex et Van Pham Dang Tri, 2021, « Réfugiés climatiques : cette crise qui couve au Vietnam ». The Conversation

Eckstein D., Künzel V., Schäfer L., 2021, Global Climate Risk Index 2021. Who Suffers Most from Extreme Weather Events ? Weather-Related Loss Events in 2019 and 2000-2019, Briefing paper, GermanWatch, 48 p.

Fiche pays « Vietnam » du Climate Change Knowledge Portal de la Banque Mondiale : https://climateknowledgeportal.worldbank.org/country/vietnam


[1] WMO, 2020, WMO Statement on the State of the Global Climate in 2019. WMO-No. 1248, 40 pp. 

[2] IMHEN, 2021, Technical report on Climate change, sea level rise scenarios for Việt Nam. Institute of Meteorology, Hydrology and Climate Change, Ministry of Natural Resources and Environment, Hanoi, 141 pp. 

[3] IPCC, 2019, IPCC Special Report on the Ocean and Cryosphere in a Changing Climate [ H.-O. Pörtner, D.C. Roberts, V. Masson-Delmotte, P. Zhai, M. Tignor, E. Poloczanska, K. Mintenbeck, A. Alegría, M. Nicolai, A. Okem, J. Petzold, B. Rama, N.M. Weyer (eds.) ]. Retrieved from https://www.ipcc.ch/srocc/

[4] https://climateknowledgeportal.worldbank.org/country/vietnam

[5] https://climateknowledgeportal.worldbank.org/country/vietnam

[6] Il s’agit ici des deux types de sécheresse, à savoir celles provoquées par un déficit de précipitations, et celles résultant d’un déficit des eaux de surface et souterraines. 

[7] https://www.emdat.be

[8] Espagne E. (ed.), T. Ngo-Duc, M-H. Nguyen, E. Pannier, M-N. Woillez, A. Drogoul,
T. P. L. Huynh, T. T. Le, T. T. H. Nguyen, T. T. Nguyen, T. A. Nguyen, F. Thomas,
C. Q. Truong, Q. T. Vo, C. T. Vu. 2021. Climate change in Việt Nam; Impacts and adaptation. A COP26 assessment report of the GEMMES Việt Nam project. Paris. Agence Française de Développement. 

[9] Phung, H. ,2017, Land & Water: A History of Fifteenth-Century Việt Nam from an Environmental Perspective. Thèse de doctorat, Université de Hawai. Cité par Espagne E. (ed.), 2021, Ibidem.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Yves Duchère (10 janvier 2024). Le changement climatique au Việt Nam. Việt Nam ơi ! Consulté le 16 septembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/vkbh


Yves Duchère

Géographe (Université d'Angers-Institut franco-chinois, Ningbo), spécialiste de l'Asie du Sud-Est et du Vietnam, Yves Duchère a séjourné plusieurs années consécutives au Vietnam où il a mené des recherches scientifiques portant sur les villages de métier du delta du fleuve Rouge et occupé des responsabilités en tant qu'urbaniste. Auteur de plusieurs articles et ouvrages, son dernier livre intitulé "Vietnam et États voisins. Géopolitique d'une région sous influences" est paru chez Armand Colin (Collection U) en octobre 2023. Ses champs de recherche ont trait à l'urbanisation en contexte autoritaire, aux interactions environnement-société en milieu urbain et, plus récemment, aux dynamiques et enjeux géopolitiques qui traversent le Vietnam à un moment où le nouveau centre de gravité géoéconomique et géopolitique du monde s'ancre de plus en plus en Asie du Sud-Est et orientale.

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